<14> d'un bout de l'Europe à l'autre, et il n'était permis qu'à ceux qui étaient armés chevaliers de faire de ces défis. Leurs lettres portaient, à peu près, qu'un tel prince, s'ennuyant dans une lâche oisiveté, désirait le combat, pour donner de l'exercice à sa valeur et pour signaler son adresse. Elles marquaient le temps, le nombre de chevaliers, l'espèce d'armes, et le lieu où le tournoi devait se tenir, et enjoignaient aux chevaliers vaincus de donner aux chevaliers vainqueurs un bracelet d'or, et un bracelet d'argent à leurs écuyers. Les papes s'élevèrent contre ces dangereux divertissements. Innocent II, en 1140, et depuis Eugène III, au concile de Latran, en 1313, fulminèrent des anathèmesa et prononcèrent l'excommunication contre ceux qui assisteraient à ces combats. Mais, malgré la soumission qu'on avait alors pour les papes, ils ne purent rien contre ce fatal usage, auquel une fausse gloire et une fausse galanterie donnaient cours, et que la grossièreté des mœurs faisait servir de spectacle, d'amusement et d'occupations, proportionné à la barbarie des siècles qui le virent naître : car, depuis ces excommunications, l'histoire fait mention du tournoi de Charles VI, roi de France, qui se tint à Cambrai, en 1385; de celui de François Ier, qui se tint entre Ardres et Guines, en 1520; et de celui de Paris, en 1559, où Henri II reçut une blessure à l'œil, par un éclat de la lance du comte de Montgomery, dont ce roi mourut onze jours après.

On voit par là que c'était alors un grand mérite à Albert Achille, d'avoir remporté le prix dans dix-sept tournois, et qu'on faisait, dans ces siècles grossiers, le même cas de l'adresse du corps, qu'on en faisait du temps d'Homère. Notre siècle, plus éclairé, accorde, plutôt


a Le Roi a emprunté ce qu'il dit ici des tournois du grand Dictionnaire historique de Moréri, art. Tournois; mais après les mots Eugène III, au concile de Latran, il a omis ceux-ci « tenu l'an 1179 », et le nom de « Clément V » devant en 1313. Quant à Moréri lui-même, dans l'édition d'Amsterdam de 1740, comme dans celle de Paris de 1759, le passage Eugène III, au concile de Latran, tenu l'an 1179, est inexact; il devrait y avoir Alexandre III, car Eugène III mourut en 1153.