<225>Il n'y avait point de contrée qui n'eût son dieu particulier : les Vandales en avaient un nommé Triglaf. On en trouva encore un au Harlungerberg, auprès de Brandebourg : il était représenté avec trois têtes, ce qui marquait qu'il régnait au ciel, sur la terre et dans les enfers;31 c'était apparemment la Trinité du paganisme. Tacite rapporte que les Germains avaient un certain nombre de chevaux blancs qu'ils croyaient être instruits des mystères de leurs dieux, et qu'on nourrissait pour la déesse Trigla un cheval noir qui passait pour l'interprète de ses volontés.a Ces peuples adoraient aussi des serpents, et l'on punissait de mort ceux qui en tuaient.32

Dans le cinquième siècle, les Vandales abandonnèrent leur patrie, pour inonder la France, l'Espagne et même l'Afrique.33 Les Saxons, qui revenaient alors d'Angleterre, firent une descente à l'embouchure de l'Elbe, et prirent possession de ces contrées entre l'Elbe, la Sprée et l'Oder, que les naturels du pays avaient abandonnées; leurs dieux et leur religion passèrent avec eux dans le Brandebourg. La principale de leurs idoles s'appelait Irmansäule, ce qui signifie colonne d'Irman. Les savants étymologistes d'Allemagne n'ont pas manqué de faire dériver le nom d'Irman, de Hermès, qui est le même que le Mercure des Grecs et des Égyptiens : il est connu à tous ceux qui sont versés dans la littérature allemande, que c'est une fantaisie générale parmi leurs savants, de trouver des rapports entre les divinités de la Germanie et celles des Égyptiens, des Grecs, et des Romains.

Il n'est malheureusement que trop vrai que l'erreur et la superstition semblent être le partage de l'humanité : tous les peuples ont eu la même pente pour l'idolâtrie; et, comme ils ont tous à peu près les mêmes passions, les effets n'ont pas manqué d'y répondre. La


31 Valentin ab Eickstet.

32 Olaus, Arnkiel.

33 Orose et Grégoire de Tours.

a Tacite, dans son livre De la Germanie, chap. 10, parle en effet des chevaux blancs dont il est ici question, mais il ne dit rien d'un cheval noir, en parlant, au chap. 40, de la déesse Hertha.