<257> abondante, soit défaut de consommation, les denrées furent à un si bas prix, que le boisseau de blé se vendait à douze gros.

La guerre de trente ans, entre les maux qu'elle causa, détruisit en particulier le peu de commerce que le nord de l'Allemagne faisait. Nous tirions anciennement nos sels de Hollande et de France : les provisions, qui ne pouvaient être renouvelées pendant ces troubles, s'épuisèrent; ce défaut d'une denrée aussi nécessaire, fit avoir recours à l'industrie, et l'on trouva des sources salées à Halle, qui fournirent non seulement aux besoins du Brandebourg, mais encore à ceux des pays voisins.

Les Hollandais formèrent la première colonie qui vint s'établir dans l'Électorat : ils renouvelèrent l'espèce des professionnaires et des artisans; ils formèrent des projets pour la vente des bois de haute futaie, qui se trouvaient en grande abondance, la guerre de trente ans ayant fait de tout le pays une vaste forêt. Sur la vente de ces bois roula ensuite une des branches principales de notre commerce. L'Électeur permit même à quelques familles juives de se domicilier dans ses États; le voisinage de la Pologne rendit leur ministère utile, pour débiter dans ce royaume les rebuts de nos friperies.

Il arriva depuis un événement favorable qui avança considérablement les projets du Grand Électeur : Louis XIV révoqua l'édit de Nantes;65 et quatre cent mille Français, pour le moins, sortirent de ce royaume. Les plus riches passèrent en Angleterre et en Hollande; les plus pauvres, mais les plus industrieux, se réfugièrent dans le Brandebourg, au nombre de vingt mille ou environ; ils aidèrent à repeupler nos villes désertes, et nous donnèrent toutes les manufactures qui nous manquaient.

Afin de juger des avantages qui revinrent à l'État par cette colonie, il est nécessaire d'entrer dans le détail de ce qu'étaient nos manufactures avant la guerre de trente ans, et de ce qu'elles de-


65 En 1684 [1685].