<271>Tous les États ont eu un certain cercle d'événements à parcourir, avant que d'atteindre à leur plus haut degré de perfection : les monarchies y sont arrivées avec une allure plus lente que les républiques, et s'y sont moins soutenues; et s'il est vrai de dire que la forme de gouvernement la plus parfaite est celle d'un royaume bien administré, il n'est pas moins certain que les républiques ont rempli le plus promptement le but de leur institution, et se sont le mieux conservées, parce que les bons rois meurent, et que les sages lois sont immortelles.

Sparte et Rome, qui furent fondées pour être guerrières, produisirent, l'une, cette phalange invincible, l'autre, ces légions qui subjuguèrent la moitié du monde connu. Sparte enfanta les plus illustres capitaines : Rome devint une pépinière de héros. Athènes, à laquelle Solon avait donné des lois plus pacifiques, devint le berceau des arts; à quelle perfection ses poëtes, ses orateurs et ses historiens ne parvinrent-ils point? Cet asile des sciences se conserva jusqu'à l'entière ruine de l'Attique. Carthage, Venise, et même la Hollande, furent par leur institution liées au commerce; et elles le poussèrent et le soutinrent constamment, reconnaissant que c'était le principe de leur grandeur et le soutien de leur État.

Continuons encore cet examen pour un moment : en touchant aux lois fondamentales des républiques, on est sûr de les renverser de fond en comble, à cause que la sagesse des législateurs a formé un tout, auquel les parties du gouvernement tiennent essentiellement; rejeter les unes, c'est détruire les autres, par l'enchaînement des conséquences qui les lient ensemble, et qui en forment un système assortissant et complet.

Dans les royaumes, la forme du gouvernement n'a de base que le despotisme du souverain : les lois, le militaire, le négoce, l'industrie, et toutes les autres parties de l'État, sont assujetties au caprice d'un seul homme, qui a des successeurs qui ne se ressemblent jamais; d'où