<178>Il ne voit, ne connaît, n'aime que sa personne.
Ces indignes mortels, qui tolèrent nos maux,
Laissent nos lois, nos mœurs et tout dans le chaos;
C'est un plaisir divin de pouvoir tirer l'ordre
De la confusion et du sein du désordre;
Mais quelque sort malin, par des moyens secrets,
Retarde et bien souvent enchaîne nos progrès,
L'intérêt, le dépit, la crainte, la paresse,
Sont les lâches ressorts de l'humaine faiblesse :
L'homme à l'humanité paya toujours tribut,
Guerriers, ministres, rois, aucun n'atteint son but.
Voyez-vous ces guerriers au sein de la victoire
Marquer imprudemment des bornes à leur gloire,
Préparer un pont d'or à l'ennemi qui fuit,
Et de tous leurs travaux perdre eux-mêmes le fruit?
L'amour-propre, avec peu satisfait de lui-même,
Se flatte, s'applaudit, s'élève au rang suprême;
Il caresse un héros, il lui montre ses faits
Par un verre trompeur qui grossit les objets;
Il lui dit : « C'est assez, et votre ardeur guerrière
Dans ce jour mémorable a rempli sa carrière;
Conservez les lauriers dont vous êtes muni. »
L'ouvrage est commencé, qu'il croit l'avoir fini.
Si le vil intérêt d'un ministre s'empare,
Si la corruption de son devoir l'égaré,
Du bonheur de l'État, de l'intérêt public
Il fera sans remords un indigne trafic,
Embrouillera les lois, et se livrant au vice,
Au temple de Thémis il vendra la justice;
Sa voix, dans les conseils organe des voisins,
Fera par artifice agréer leurs desseins,