<223>L'adultère Paris alluma ce flambeau
Par qui le vieux Priam, descendant au tombeau,
Dans la fatale nuit, la dernière de Troie,
Vit aux flammes des Grecs sa capitale en proie.
Si vous me demandez des exemples plus grands,
Les fastes des humains en ont rempli les temps :
On ne reconnaît plus, tant le sort est injuste,
Le bras droit de César, le fier rival d'Auguste,21
Sur les mers d'Actium esclave de l'amour,
Lorsqu'il perd Cléopâtre et sa gloire en un jour;
Quand l'Anglais dans Paris porta sa violence,
Agnès à Charles sept fit oublier la France;
Du grand Turenne enfin imprimez-vous ce trait :
Envers son roi l'amour le rendit indiscret.a
Craignez donc cet enfant et ses flèches dorées,
Gardez-vous de porter ses brillantes livrées :
Il fait ses plus grands maux même en vous caressant,
Et s'il perdit Didon, ce fut en l'embrassant.
Qui pourrait raconter toutes ses perfidies,
Et combien ses fureurs ont fait de tragédies?
Ne vous attendez point que dans des vers mordantsb
J'ajoute à ces vieux faits des exemples récents;
Je me suis pour toujours interdit la satire :
Il est bon de reprendre, et cruel de médire.
Mais par quelle raison décrier les plaisirs?
Est-il rien de plus doux que les tendres désirs?
Et que peut-on gagner, quand d'une humeur austère


21 Antoine.

a Turenne était à soixante ans l'amant de madame de Coëtquen et sa dupe, comme il l'avait été de madame de Longueville. Il lui révéla en 1670 le secret de l'État, qu'on cachait au frère du Roi.

b Dans mes vers mordants. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 299.)