<234>Et perdant chaque jour tes sens et ta pensée,
De tes derniers neveux tu seras la risée.
Eugène et Marlborough, malgré leurs grands exploits,
Ont senti les effets de ces sévères lois;
Condé, le grand Condé survécut à lui-même;
L'Auguste des Français, malgré son diadème,
Éprouva l'infortune à la fin de ses ans,
Et vit dans un tombeau porter tous ses enfants. »
Voilà ce que dirait notre mère commune.
Hélas! trop vain mortel, son discours t'importune,
Ton cœur aime le monde; il brille, il éblouit,
Mais sa figure passe, et tout s'évanouit.
Malgré tant de dangers, tu désires la vie :
Le bien de tes parents, leur amour t'y convie,
Ta fin serait pour eux un lamentable deuil,
Tes affaires un temps ont besoin de ton œil;
Ah! que de grands projets ta mort viendrait suspendre!
Tu n'as rien achevé, que ne peut-elle attendre?
Eh! pourquoi, malheureux, ne t'es-tu point hâté?
Croyais-tu donc jouir de l'immortalité?
Apprends que nos désirs nous suivent en tout âge,
Et que personne enfin n'acheva son ouvrage
Avant que d'arriver à son terme fatal.
Ou plus tôt ou plus tard, le trépas est égal :
Tous les temps écoulés sont effacés de l'être,
Cent ans passés sont moins que l'instant qui va naître,
Tout change, et c'est, cher Keith, la loi de l'univers.
Les fleuves orgueilleux renouvellent les mers,
On engraisse la terre, aride sans culture;
Lorsque l'air s'épaissit, un zéphire l'épure,