<256>Si la postérité ... » Quelles sont vos erreurs!
Connaissez, mon esprit, le poison des flatteurs :
Leurs sons, plus dangereux que le chant des sirènes,
Peuvent bien enchanter vos veilles et vos peines,
Mais imitez Ulysse, et sourd à leurs accents,
Rejetez pour jamais un si funeste encens.
Pouvez-vous ignorer qu'un roi, quoi qu'il propose,
Et quoi qu'il entreprenne, excelle en toute chose?
S'il aime les dangers, les combats, les hasards,
Pour l'élever plus haut on abaissera Mars;
S'il est fort, aussitôt le flatteur sans scrupule
Lui prouve que d'Alcide il est le seul émule;
Son cœur est-il d'amour facile à s'enflammer,
C'était pour lui qu'Ovide avait fait l'Art d'aimer;
Lorsqu'à de mauvais vers comme vous il s'amuse,
Il rend jusqu'à Voltaire envieux de sa muse.
Revenez, mon esprit, de votre aveuglement,
Que l'amour-propre enfin le cède au jugement.
Est-il chez les humains de vertu sans mélanges?a
Rabattons sans orgueil les trois quarts des louanges
Que certains beaux esprits nous donnent à l'excès;
Vous faut-il tant d'encens pour ces faibles succès?
Qu'avec Horace un jour votre muse barbare
Pour vous apprécier humblement se compare,
Alors de vos écrits les défauts dévoilés
Vous feront convenir du peu que vous valez;
Détestant de vos vers l'insipide volume,
Vous remettrez d'abord l'ouvrage sur l'enclume.
Étudiez surtout la docte antiquité :
Plus vous approcherez de son urbanité,


a Sans mélange. (Variante de l'édition in-4 de 1760, p. 345.)