<137>plexie imparfaite; mon tempérament et mon âge m'ont rappelé à la vie. Si j'étais descendu là-bas, j'aurais guetté Lucrèce et Virgile jusqu'au moment que je vous aurais vu arriver, car vous ne pourrez avoir d'autre place dans l'Élysée qu'entre ces deux messieurs-là. J'aime cependant mieux vous appointer dans ce monde-ci : ma curiosité sur l'infini et sur les principes des choses n'est pas assez grande pour me faire hâter le grand voyage. Vous me faites espérer de vous revoir; je ne m'en réjouirai que quand je vous verrai, car je n'ajoute pas grand' foi à ce voyage. Cependant vous pouvez vous attendre à être bien reçu,

Car je t'aime toujours, tout ingrat et vaurien,
Et ma facilité fait grâce à ta faiblesse
Je te pardonne tout avec un cœur chrétien.a

Le duc de Richelieub a vu des dauphines, des fêtes, des cérémonies et des fats : c'est le lot d'un ambassadeur. Pour moi, j'ai vu le petit Paulmi,b aussi doux qu'aimable et spirituel. Nos beaux esprits l'ont dévalisé en passant, et il a été obligé de nous laisser une comédie charmante, qui a eu assez de succès à sa représentation. Il doit être à présent à Paris. Je vous prie de lui faire mes compliments, et de lui dire que sa mémoire subsistera toujours ici avec celle des gens les plus aimables.


a Voltaire, Épître XVII. A. M. de Genonville, 1719, dit :
     

Tu me vis sans scrupule en proie à la tristesse :
Mais je t'aimai toujours tout ingrat et vaurien;
Je te pardonnai tout avec un cœur chrétien,
Et ma facilité fit grâce à ta faiblesse.

Œuvres de Voltaire

, édit. Beuchot, t. XIII, p. 47.

b Au mois de décembre 1746, le duc de Richelieu fut nommé ambassadeur à Dresde. Il était chargé de demander pour le Dauphin la main de la princesse Marie-Josèphe de Saxe, fille de l'électeur Frédéric-Auguste. Le duc de Richelieu réussit dans cette négociation.
     Antoine-René de Voyer d'Argenson, marquis de Paulmi, accompagna le duc de Richelieu dans son ambassade à Dresde, et vint ensuite à Berlin.