<15>La jeune Églé, nouvellement venue,
A tout d'un coup doublement rehaussé.
Vous savez bien que cette vieille amante,
Cette Laïs à la tête tremblante,
Aux longs tetons, si flasques et pendants,
Dont le pinceau grossièrement abuse
Du vermillon brossé sur la céruse,
Rend à présent à ses jeunes amants
Ce qu'elle avait, dans la fleur de ses ans,
Eu de profit en marchandant ses charmes;
A ses attraits l'or seul fournit des armes.
Le bon pays, où tout peut s'acheter!
O siècle heureux qu'on ne peut trop vanter!
Ayez du bien, c'est la grande maxime :
Vous payerez des femmes, de l'estime,
Amis, respects et réputation,
Cocus titrés et de condition.
Les tendres cœurs se vendent à l'enchère,
Et sans rougir la noblesse ose faire
Un vil métier contraire à la pudeur,
Humiliant, flétri du déshonneur,
Que la grisette à l'âme mercenaire
Fait par débauche et souvent par misère.
Qu'arrive-t-il de ces coûteux marchés?
Nos beaux seigneurs trouvent des infidèles.
Ils sont toujours impudemment trichés
Par leurs amis, ainsi que par les belles;
Un freluquet enlève leurs donzelles,
Ils sont cocus sans en être fâchés;
Leur amour vain, magnifique et bizarre,
Se refroidit, le mépris les sépare,