<155> ou les clystères, qui vous rétablissent, peu importe; les moyens sont indifférents, pourvu que j'aie encore le plaisir de vous entendre, car il ne sera plus possible de vous voir, vous devez être tout à fait invisible à présent.

Malgré la Sorbonne plénière,
J'avais fermement dans l'esprit
Que l'homme n'est qu'une matière
Qui naît, végète, et se détruit.
De cette opinion qu'on blâme
Je reconnais enfin les torts;
Car j'admire votre belle âme,
Et je ne vous crois plus de corps.

Je vous envoie encore une Épîtrea qui contient l'apologie de ces pauvres rois contre lesquels tout l'univers glose, en enviant cent fois leur fortune prétendue. J'ai d'autres ouvrages que je vous enverrai successivement; c'est mon délassement que de faire des vers. Si je pèche du côté de l'élocution, du moins trouverez-vous des choses dans mes Épîtres, et point de ce paralogisme vain, de cette crême fouettée qui n'étale que des mots et point de pensées. Ce n'est qu'à vous autres Virgiles et Horaces français qu'il est permis d'employer cet heureux choix de mots harmonieux,b cette variété de tours, de passer naturellement du style sérieux à l'enjoué, et d'allier les fleurs de l'éloquence aux fruits du bon sens.

Nous autres étrangers, qui ne renonçons pas pour notre part à la raison, nous sentons cependant que nous ne pouvons jamais atteindre à l'élégance et à la pureté que demandent les lois rigoureuses de la poésie française. Cette étude demande un homme tout entier. Mille devoirs, mille occupations me distraient. Je suis un galérien enchaîné sur le vaisseau de l'État, ou comme un pilote qui n'ose ni quitter le


a A Darget. Voyez t. X, p. 238.

b Boileau, L'Art poétique, ch. I, v. 109.