<283>Mais tôt ou tard on les voit disparaître,
En Sibérie ils s'engloutissent tous.
Ce Menschikoff, favori de son maître,
Lors de sa chute eut des destins moins doux;
Un Ostermann languit en Sibérie,
Le grand Münnich y finira sa vie,
Le fier Biron ne reverra le jour,
Y périra bientôt la jeune cour;
Et tu pourras, Franquin, trouver étrange
Que dans ce nombre avec eux l'on te range!
Enfin, Darget, dans ce pressant danger,
Le seul parti qui me restait à prendre
Fut de souffrir d'un cœur ferme, et d'attendre
Ce que pourtant je n'aurais pu changer.
L'on m'emmena vers ces froides contrées
Où les glaçons des mers hyperborées,
Même en été, dans les jours les plus clairs,
Vous font trouver des éternels hivers.
Le doux soleil en vain prétend y luire,
C'est dans ces lieux que la nature expire;
Tout semble mort, tout semble inanimé.
La terre en vain s'efforce de produire,
Et si l'on voit quelque grain clair-semé,
Le froid d'abord se presse à le détruire.
On trouve là vingt sortes d'exilés.
Les uns, courant les bois et les collines,
Pour se nourrir prennent des zibelines,
Et très-souvent par le froid sont gelés;
D'autres, qu'on fait travailler dans les mines,
Sont par la mort promptement enlevés;