<298>Il semblait voir quatre immenses serpents
Ramper de front, couvrir ces vastes champs;
Dessus leurs dos, leurs écailles brillantes,
De cent couleurs au jour étincelantes,
Réfléchissaient des rayons éclatants.
Sur l'ennemi lentement ils s'avancent,
En cent replis se courbent et s'agencent,
S'élargissant par leurs énormes flancs.
Le bruit affreux des chevaux et des armes,
Des bataillons, des épais escadrons,
Le son guerrier des tambours, des clairons,
Et mille voix, appelant les alarmes,
Font retentir les airs aux environs.
Des tourbillons qu'épaissit la poussière
En s'élevant éclipsent la lumière.
Près d'eux marchaient, accompagnant leurs pas,
La Fermeté, l'Audace, le Courage;
L'affreuse Mort, la Terreur, le Carnage,
Les devançaient, en semant le trépas.
Tels que l'on voit du sommet des montagnes
Rapidement fondre dans les campagnes,
En mugissant, des orageux torrents;
Rien ne retient leurs efforts violents,
Ils font rouler de gros quartiers de pierre,
Leurs flots fougueux détachent des rochers;
S'amoncelant, débordent les rivières,
Engloutissant les malheureux bergers;
Et tels encor les vents et les tempêtes
Qui, s'échappant des cavernes du Nord,
Des hauts clochers font écrouler les faîtes,
Déracinant le chêne le plus fort,