<9>Et pousse en l'air de cette voix aiguë
De longs hélas qu'on entend de la rue,
Et d'un accent tudesque qui déplaît
Elle assaisonne un air de flageolet.
Églé, qui croit qu'elle a la voix plus belle,
En détonnant chante un air d'opéra
Très-langoureux, que composa Campra;a
Un fat se pâme et jure qu'elle excelle,
Ah! de chanter elle ne cessera;
Maudite voix, digne d'une crécelle,
Un siècle entier, je crois, tu chantera.
« Pour vous charmer, dit-elle, je vous prie,
Prêtez l'oreille à cette bergerie :
Cet air pour moi semble fait tout exprès,
J'ai de mon mieux saisi le goût français;
Ces ports de voix qu'avec force j'élève,
Ces tremblements battus si lentement,
Ces longs fredons, qui n'ont ni fin ni trêve,
Font de ce chant les plus doux agréments;
De ce salon même, sans qu'il m'en coûte,
Ma forte voix fera sauter la voûte. »
L'hôte pâlit, il croit de Jéricho
Qu'il a chez lui la trompette fatale;
Il est tremblant pour les murs de sa salle.
Pour éviter l'effet de cet écho,
Il rompt les chiens et bavarde morale,
Et ce discours les amuse à ravir.
Mais dans le temps que ce seigneur déploie


a André Campra, successivement maître de musique de diverses églises ou chapelles, né à Aix le 4 décembre 1660, mort à Paris le 29 juillet 1744. On a de lui des opéras, des motets et des cantates.