<111>J'ai vu mes vœux trahis par le sort des combats,
Près de mes oppresseurs se sont rangés mes proches,
Sans m'emporter contre eux en de justes reproches;
J'ai vu souvent la mort prête à fondre sur moi,
Sans qu'un trouble secret m'ait fait pâlir d'effroi.
Dans nos calamités la commune épouvante
N'a pu rendre un moment ma constance flottante;
Le pouvoir absolu, le faste, la splendeur,
Étaient des objets vils pour mon superbe cœur.
Prêt à perdre cent fois la vie et mes provinces,
Le sort, qui contre moi réunit tant de princes,
N'a pu me rendre encore un objet de pitié;
Mais s'il touche aux saints nœuds que forme l'amitié,
Par cet endroit cruel, cher mylord, il m'accable.
Achille, au talon près, était invulnérable.
A tout autre malheur on trouve des secours,
Le temps après l'orage amène de beaux jours;
Mais qui peut réparer des pertes éternelles?
Quand la mort a blessé de ses flèches cruelles
Ces parents, ces amis, objets de nos souhaits,
On s'en voit séparé, cher mylord, pour jamais.
Réclamez-les aux cieux, invoquez l'enfer même,
L'Achéron ne rend plus ceux qu'on pleure et qu'on aime;
L'irrévocable loi de la fatalité A ce terme arrêta notre témérité.
Pour toujours, chère sœur, je vous ai donc perdue!
Le bras d'un Dieu cruel, sur ma tête étendu,
Par des coups redoublés à me perdre occupé,
Au plus sensible endroit à la fin m'a frappé.
Avec mille regrets, ô mânes que j'adore!
Je rappelle les jours de ma première aurore,