<115>D'un aveugle destin enfants impétueux.
De cent rois conjurés les armes triomphantes
Contre des corps détruits deviennent impuissantes;
Le chagrin dévorant qui nous ronge le cœur,
Et l'abreuve à longs traits d'une amère douleur,
En de froids ossements ne trouve plus sa proie.
Du ciel en vain sur eux le courroux se déploie.
On ne viole point l'asile de la mort,
Elle est des malheureux le refuge et le port.
C'est donc un bien réel que de cesser de vivre :
Ce moment fortuné de nos maux nous délivre;
Dès que nous avons bu des sources du Léthé,
Tout ce qui fut est tel que s'il n'eût point été.
Tant d'illustres Romains, dans des revers extrêmes,
Ont su par le trépas s'en délivrer eux-mêmes;
Que d'exemples fameux, soutenus de grands noms,
Les Caton, les Curius,a les Brutus, les Othon!
On les imite à Londre, et l'Anglais libre et ferme
Aux rigueurs du destin prescrit lui-même un terme.
Qu'un misérable esclave encor flétri des fers
Redoute plus la mort que des affronts soufferts,
Il peut vivre en infâme et mourir comme un lâche;
Sa basse ignominie à nos regards se cache,
Par la honte avili, par l'opprobre écrasé,
Son exemple odieux est partout méprisé.
L'école des héros fournit d'autres maximes,
La gloire en recueillit les sentences sublimes;
Son crayon nous traça les chemins de l'honneur,


a Le Roi veut parler de C. Scribonius Curion, ami de César, qui, après avoir perdu son armée dans la bataille que le roi Juba lui livra devant Utique, l'an 704 de Rome, y trouva la mort qu'il désirait. Voyez J. César, De Bello civili, livre II, chap. 42.