<196>Une voie aplanie et le plus doux chemin;
Laissons aux conquérants entourés de ruines
Ces sentiers hérissés de ronces et d'épines.
Vaines illusions! songe vague et flatteur!
Cessons de nous tromper pour vaincre la douleur.
Esclave scrupuleux du devoir qui me lie,
Un joug superbe et dur m'attache à ma patrie;
Je vois en gémissant ses honneurs abolis,
Tant d'États inondés d'avides ennemis,
Du danger renaissant l'intarissable source,
L'ennemi triomphant, le peuple sans ressource,
Et partout le ravage et la destruction.
Patrie! ô nom chéri! dans ton affliction,
Mon cœur, mon triste cœur te voue et sacrifie
Les restes languissants de ma funeste vie.
Loin de me consumer en soins infructueux,
Je m'élance aussitôt dans ces champs périlleux;
La vertu me ranime, un nouveau jour m'éclaire.
Courons venger l'État, soulager sa misère,
Oublions tous nos soins pour ne penser qu'à lui,
Que l'effort de nos bras lui procure un appui;
Il faut dans le torrent nager malgré sa pente,
Périr pour la patrie, ou remplir son attente.
Si quelque ambitieux, avide du danger,
De ce pesant fardeau voulait me soulager,
Qu'avec plaisir, marquis, dégagé de contrainte,
Sans besoin d'étaler l'indifférence feinte,
J'abdiquerais d'abord ma triste dignité!
Dans le sein du repos et de l'obscurité,
Loin des yeux importuns d'une foule indiscrète,
J'irais m'ensevelir au fond d'une retraite.