<240>Le danger est l'épreuve où brille une âme ferme,
Au sort inexorable elle prescrit un terme.
On ne mesure point le règne des héros
Par d'inutiles jours coulés dans le repos;
Je n'ai que trop vécu, si l'univers publie
Le vertueux motif qui termine ma vie,
Si l'on dit que, voyant l'État près de périr,
Othon pour le sauver consentit à mourir.
Amis, sans balancer en ce péril extrême,
Courez chez le vainqueur, c'est mon ordre suprême.
Je vous rends votre foi, je vous rends vos serments,
Le temps presse, fuyez, profitez des moments;
Pour la dernière fois que je vous vois paraître,
Obéissez encore aux lois de votre maître.
J'approche de ma fin, je ne suis déjà plus;
En quittant de mes sens les fragiles tissus,
Le cœur rempli de vous, ma dernière pensée,
Ma dernière prière à nos dieux adressée
Sera qu'après ma mort ils daignent dignement
Payer votre tendresse et votre attachement,
Et que, vous accordant un sort toujours prospère,
Ils fassent envers vous ce qu'Othon n'a pu faire.
Vous bénirez mon sort; la mort n'est point un mal,
Le genre humain lui paye un tribut général.
Heureux celui qui peut, quittant cette demeure,
Du sceau de la vertu sceller sa dernière heure!
Si notre esprit s'éteint au moment du trépas,
Il n'est plus de douleurs, de soins, ni d'embarras;
Si le coup qui détruit cette fragile trame
N'est point assez puissant pour atteindre à mon âme,