<265>Je ne vis point des tonnerres d'airain,
Mais de beaux yeux brillants de mille charmes,
Dont la tendresse exprimait quelques larmes,
Et qui des dieux feraient l'heureux destin.
Tous ses sujets vivent en assurance;
Leurs travaux sont exempts de violence,
Attentions, sentiments délicats,
Soupirs, doux soins, égard et complaisance,
De tendres vers écrits sans embarras;
Pour leurs exploits, ce sont baisers de flamme,
Qui font couler la volupté dans l'âme,
Qu'il faut sentir, mais qu'on n'exprime pas.
Vous le voyez, j'ai l'âme trop humaine
Pour me complaire au danger, à la peine
Que, dans les camps au dieu Mars départis,
Également souffrent les deux partis.
Habitant doux des rives d'Hippocrène,
Toujours soumis à ma belle, à ma reine,
Je voudrais fort, si j'avais à choisir,
En lui donnant, recevoir du plaisir.
A ce propos, ma divine maîtresse,
Je vous dirai le mot d'un ancien;a
Russe n'était, non plus qu'Autrichien :
« Dieu me fit homme, ainsi je m'intéresse
Aux biens, aux maux de toute notre espèce. »

A Dittmannsdorf, 6 août 1762.


a Térence dit dans son

Heautontimorumenos

, acte I, scène 1, vers 5 :

Homo sum, humani nihil a me alienum puto.