<96>Que vois-je encor? De rapides repas,
Remplis d'ennui, sans qu'un mot d'allégresse
Ose égayer le front de la sagesse;
Pour s'escrimer on engloutit les plats :
Tels sont mes jours, mes ennuis, ma détresse.
Ah! qu'ils sont loin de la délicatesse
Et des plaisirs qui naissent sur les pas
De mon aimable et charmante maîtresse!
Quand même ici, parmi tous ces soldats,
On donnerait des banquets d'Épicure
Où, prodiguant les dons de la nature,
On servirait des piles d'ananas,
Sans ma Phyllis, dont je fais tant de cas,
Ce luxe exquis et tout ce qu'il procure,
Non, par l'Amour, ne me toucherait pas.
Pour achever cette noble peinture,
Sachez qu'ici l'on couche sur la dure;
Point de repos, l'on trotte nuit et jour.
Au lieu de voir ces beaux yeux d'où l'amour
Lance le trait dont je sens la blessure,
Je vois des yeux avides de capture,
Au regard dur, et dont le maintien fier
Paraît peu fait à supporter l'injure,
Mais bien plutôt, selon la conjoncture,
A défier et Thérèse, et l'enfer.
Quand, tout ému, mon cœur se représente
Le beau corail d'une lèvre charmante
Qui m'invitait à des baisers ardents,
Voilà-t-il pas, dans un gros d'insolents,
De vieux soudards, retroussant leur moustache,
Dont le petun tient lieu d'odeur, d'encens!