<114>Qu'à présent la colonnea a moins d'admirateurs;
Les Thébains s'en servaient, et tous nos vieux auteurs
Trouvent cette ordonnance admirable et requise;
Sa masse enfonce tout, et même dans Moïse
Vous voyez précéder le Juif guidé par Dieu
Une colonne d'air, ou colonne de feu.a
- Quelle érudition! s'écriait tout le monde;
Science universelle! ô caboche profonde!
Mais le canon, monsieur, ce foudre des guerriers,
Écrase la colonne et flétrit ses lauriers;
Elle est détruite avant que d'agir. - Je m'en moque.
- Comment la garantir? - Je marche, avance, et choque.
- Cela pourrait manquer. - Vous êtes trop craintif;
Trois rangs ne peuvent rien contre un corps si massif.
Si l'on m'écoute, il faut que Monteynardb ordonne
Que toujours le Français vous attaque en colonne.
- Ah! vous aurez le temps de mûrir vos projets :
Nous jouissons ici d'une profonde paix;
Du temple de Janus les portes sont fermées,
Les arts sont florissants à l'abri des armées,
L'envie est enchaînée, et les grands potentats
Font dans ce calme heureux prospérer leurs États.
- Cela vous plaît à dire, a répondu mon homme;
De l'Espagne en Écosse, et du Pont jusqu'à Rome,
Des esprits agités la fermentation
Va mettre incessamment l'Europe en action.


a L'auteur fait ici allusion au système des colonnes du chevalier Folard. Voyez t. I., p. 184 et t. X, p. 278. Voyez aussi J.-D.-E. Preuss, Friedrich der Grosse als Schriftsteller, p. 350.

b Le marquis Louis-François de Monteynard, ministre de la guerre en France du 4 janvier 1771 au 28 janvier 1774.