<117>Au prix de votre sang il vous vend sa fumée;
Vous placez le bonheur dans l'appât décevant
D'être applaudi, loué par ce peuple ignorant;
Mais il blâme souvent, car la chance est douteuse.
Trompé par des fripons, sa langue venimeuse
Flétrit ce Julien qu'on nomma l'Apostat;
Ce philosophe était la gloire de l'État.
Un pontife insolent, natif de Naziance,a
Calomniant ses mœurs, sa bonté, sa clémence.
En fit un monstre aux yeux de la postérité.
Après plus de mille ans parut la vérité;
D'Argens rendit justice aux vertus du grand homme.b
La superstition en frémit jusqu'à Rome,
Et le mensonge impur effacé de son nom
Rétablit pour jamais sa réputation.
Que nous importent donc les rumeurs du vulgaire?
Il critique, il approuve, il outrage, il révère,
Il tourne à tous les vents; qui connaît ses ressorts
L'excite en se jouant, ou calme ses transports.
C'est l'immortalité dont l'espoir nous enivre,
En sauvant notre nom, nous croyons encor vivre;
Mais sitôt que la tombe a renfermé nos corps,
Les vains bruits du public sont perdus pour les morts;
Ce sont des préjugés, il n'en faut point au sage,
Il saura mépriser ce vil aréopage.
Mais que fais-je? et de moi que penserait Zénon?
Tandis que je combats la vanité du nom,


a S. Grégoire de Nazianze, évèque de Constantinople, écrivit contre l'empereur Julien, à l'occasion de sa mort, arrivée en 363, un ouvrage intitulé : Deux Invectives contre Julien.

b Voyez ci-dessus, p. 75.