<123>Voilà pourquoi j'admets ce mobile suprême.a
Le fameux Copernic, vos Newtons, vos experts
Ont deviné les lois qui meuvent l'univers;
Les astres dans leur cours ont une allure stable.
Comment un pur hasard, inconstant, variable,
Pourrait-il maintenir ces éternelles lois
Dont l'art pousse et suspend tant de corps à la fois?
Convenons donc qu'un être intelligent préside
Au ressort qui produit ce spectacle splendide;
Mais sans le définir mon cœur doit l'adorer.
Sans lui je ne pourrais vivre ni respirer :
Donc ce divin moteur est bon par excellence;
Au-dessus des mortels, à l'abri de l'offense,
Rien ne peut l'exciter à la méchanceté.
Je me suis vu souvent sur les bords du Léthé,
Et j'aurais entendu hurler de près Cerbère,
Si l'enfer n'était pas un être imaginaire.
Dans ce moment fatal où la mort m'apparut.
La peur ne m'a jamais fait payer de tribut.
Recueillant mes esprits, concentré en moi-même,
Je fus inébranlable et ferme en mon système;
L'erreur, que je bravais étant plein de santé,
Ne prit point à mes yeux l'air de la vérité;
Aucun doute importun ne troubla ma conscience,
Et je fixai la mort d'un œil plein d'assurance.
C'est lorsque notre esprit jouit de sa vigueur
Qu'il faut examiner, sonder la profondeur
Des secrets enfouis au sein de la nature,
Trouver la vérité dans cette nuit obscure,
Peser tout mûrement, avancer à pas lents.


a Voyez t. VII, p. 128; t. IX, p. 104, 180 et 181; et t. X, p. 65 et 210.