<135>Aussi rapide, et dans le fond plus grand,
Qui subjugua lui seul l'Asie entière.
Si l'on néglige à ce point Tamerlan,
C'est qu'il ne put trouver dans le Levant,
Pour relever sa vertu guerrière,
Un Quinte-Curce, un Virgile, un Homère.
Ce Tamerlan se trouvait dans le cas
Où vos exploits seront réduits, ma chère;
Pour les chanter vous ne trouverez pas
Un Arioste, un Dryden, un Voltaire.
De ces grands saints je suis l'humble valet,
Et leur trompette en mes mains est sifflet.
Quel prix auront des vers welches, tudesques,
Sans élégance, encor moins pittoresques,
Et réprouvés par l'abbé d'Olivet?a
Un rimailleur rebuté d'un puriste
A devant lui la perspective triste
Qu'étant beaucoup rabaissé sous Brébeuf,b
Il est chanté par le coq du Pont-neuf.
Mais en dépit des talents que refuse
Le dieu des vers à mon ingrate muse,
Je puis pourtant, sans trop m'aventurer,
A l'univers prouver et démontrer
Qu'on trouve ici parmi nos Prussiennes


a L'abbé d'Olivet, dans la nouvelle édition de son Traité de la prosodie française, 1766, avait critiqué le Roi sur le mot crêpe, dont ce dernier avait retranché le final dans une pièce imprimée parmi les Œuvres du Philosophe de Sans-Souci. Voyez t. XI, p. 172. Voyez aussi la lettre de Voltaire à Frédéric, du 5 janvier 1767, et la lettre de Voltaire à l'abbé d'Olivet, de la même date.

b Ces vers sont une réminiscence de l'Art poétique de Boileau, ch. I, v. 98-100, où le poëte se moque des hyperboles que Brébeuf a accumulées dans sa traduction de la Pharsale de Lucain, I. VII. - Le Pont - neuf a été longtemps occupé par les vendeurs de mithridate et les joueurs de marionnettes. Voyez t. XII, p. 253.