<220>A peine remplissaient les camps de leurs guerriers,
Que l'Europe agitée, émue à ces alarmes,
Par des efforts soudains parut d'abord en armes,
Mesura ses secours, et par un juste choix
Rétablit l'équilibre et protégea les rois.
Si de ses libertés elle prit la défense,
Si sa main put alors redresser la balance
Qu'un souverain puissant fait pencher à son gré,
Le mal ne parut pas autant désespéré
Que le danger présent dont l'aspect la menace.
Que de rois conjurés, que d'orgueil, que d'audace!
Ce fier quadromvirat, ardent à m'opprimer,
Que la haine fomente et semble envenimer,
Si je succombe un jour, prêt à tout entreprendre,
Sans rencontrer de rois qui puissent se défendre,
D'un fantôme de guerre arborant les apprêts,
Gouvernera l'Europe en dictant ses arrêts.
Voilà dans l'avenir ce que tout œil peut lire;
L'exemple du passé suffit pour nous instruire.
Peuples trop amoureux de votre oisiveté,
Abreuvés des poisons de la sécurité,
De votre inaction goûtez longtemps les charmes,
Laissez couler le sang et répandre des larmes
A ceux qui, succombant, ont au moins combattu;
Et puisque dans l'Europe il n'est plus de vertu,
Puisque dans mes revers en vain je vous implore,
Tournons donc nos regards vers les lieux d'où l'aurore,
Répandant, les matins, ses rayons bienfaisants,
Rend la force et la vie à tous les éléments.