<51>Le sénat prudemment s'empare de son seing,
Pour promulguer ses lois au nom du souverain.
Là-bas, un autre fou, roi de nouvelle date,
Se pavane et s'encense en vainqueur du Croate;
Mais, bourgeois gentilhomme, il prétend être intrus
Chez ces vieux souverains, si fiers et si bourrus;
Un refus à sa suite attire une bataille.
De tous ses ennemis le scélérat se raille;
Mais, devenu vieux loup, n'ayant griffes ni dents,
Ses voisins sont en paix à l'abri de ses ans,
A moins que le démon qui l'obsède et l'inspire
Ne verse encor sur eux les flots de sa satire.
Dans la proximité des États de ce roi,
Sur un peuple abruti, sans police et sans loi,
Il est un souverain, vrai roi de l'anarchie,
Élevé par hasard à cette monarchie;
Amoureux de ruelle, et prince sans vigueur,
Il est Russe, il est Turc, rien dans le fond du cœur.
Tandis que la discorde à ses yeux se déchaîne,
Que le royaume en feu ne se soutient qu'à peine,
Tranquille en son palais, son âme est sans ressort,
Il laisse la fortune arbitre de son sort.
Si je voulais encor grossir ce catalogue,
J'aurais un magasin de matière analogue;
Mais il est des sujets que l'on doit respecter,
N'écrira jamais bien qui ne sait s'arrêter.a
Ah! qu'en réflexions cette matière abonde!
Voyez ces vils mortels, ils sont maîtres du monde;
Qui ne passera pas, s'il s'arrête à leurs mœurs,


a

Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire.

Boileau,

L'Art poétique

, chant I, vers 63.