<99>L'illusion, le prestige et la faim
Nous rendront tous peut-être anthropophages.
Mais non, laissons ces repas aux sauvages,
Même épargnons la chair des animaux;
Prodiguez-nous plutôt les végétaux,
Ils sont plus sains, plus faits pour nos usages.
Que de filets par vous imaginés!
Que de pâtés par vos mains façonnés!
Que de hachis, de farces délectables,
Dont nos palais, souvent trop enchantés,
Sont mollement chatouillés et flattés!
Auteur fécond de ces mets admirables,
Que cent festins ne sauraient épuiser,
Vous inventez et savez composer
Ce que jamais aucun de vos semblables
Ne produisit pour s'immortaliser.
Aussi jamais, croyez-moi, la cuisine
Égyptienne, ou grecque, ou bien latine,
Ne put atteindre à la perfection
Où la porta votre esprit qui combine,
Et votre vive imagination.
Ce Lucullus, fameux gourmet de Rome,
Dans ses banquets au salon d'Apollon,
Festins fameux que Cicéron renomme,
Ne goûta rien d'aussi fin, d'aussi bon
Que cette bombe à la Sardanapale,
Ce mets des dieux qu'aucun ragoût n'égale,
Dont vous m'avez régalé ce midi.
Si l'on pouvait ranimer Épicure,
Si la vertu de quelque saint hardi
Pouvait encor le rendre à la nature,