<191>La discorde paraît replongée aux enfers;
Et ce fier Richelieu, prôné par tant de vers,a
Tout à coup tombe en léthargie.
Tel le céleste agent du Dieu de l'univers,
Perçant d'un vol hardi l'immensité des airs,
Maître des éléments, souverain d'Amphitrite,
D'un mot calme les flots, et d'un mot les irrite :
Tel parut Cumberland, cet invincible duc,
Qui, sentant ses guerriers maladroits à la nage,
Par ce fameux traité leur sauva le naufrage.
Ah! si de Jérémie ou du divin Baruc
Je pouvais entonner les sublimes cantiques,
Je publierais sa gloire et ses faits héroïques
De Buxtehude à Copenbruc.b
Je vous le montrerais brillant dans sa carrière,
Toujours manœuvrant en arrière,
Évitant avec soin surtout de se noyer;
Dans le tumulte militaire,
Toujours doux, clément, débonnaire,
Homicide ne fut, quoique excellent guerrier.
Je pourrais encor publier
Qu'il nous vit tous ronger des Français comme un chancre,
Aimant mieux, du haut faîte où l'élevait son rang,
Répandre en beaux traités tout un déluge d'encre
Que de verser pour nous une goutte de sang.

Fait à Rothe, le 4 d'octobre 1757.


a Le Roi fait ici allusion aux Épîtres et autres poésies adressées par Voltaire au duc de Richelieu. Voyez les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XIII, p. 169, 182, 196, 216, 218 et suivantes.

b Koppenbrügge.