<209>Ainsi, toujours peu sûr de sa faveur,
Il est flottant, et son esprit balance,
Ou vers la crainte, ou bien vers l'espérance.
Choiseul, Choiseul, consultez les experts,
Ils vous diront, mieux que ne font ces vers,
Que la fortune est lasse de vous suivre;
Vous n'avez plus que deux moments à vivre,
Et vous voilà dévoré par les vers.
Tout disparaît, s'évanouit ou passe,
Lois pour les rois, les grands et les sujets;
Pourquoi faut-il dans un si court espace
S'embarrasser d'aussi vastes projets?
N'est-on heureux qu'en désolant le monde?
Retz le fut-il en fomentant la Fronde?
J'aimerais mieux me livrer à Zénon,
Étudier Marc-Aurèle ou Socrate,
Que d'imiter ce fougueux Érostrate,
Objet d'horreur, d'abomination;
Quelque désir de briller qui nous flatte,
C'est s'avilir pour mériter un nom.
Profitons mieux de cette courte vie.
Sans tant d'apprêts on trouve le bonheur;
Il se présente, il s'offre, il nous convie
A savourer sa divine douceur.
Il ne gît point au sein de la grandeur,
Séjour mêlé d'inconstance et d'envie;
Mais chacun peut le trouver dans son cœur.
Heureux celui qui vit loin de la foule,
Qui sait borner ses immenses désirs,
Et sans excès admet tous les plaisirs!
D'un cours égal et doux son temps s'écoule