<249>Le grand vizir et toute sa séquelle
Par Galizin sont frottés bravement,
Que des Russiens la victoire est complète!
Si je savais entonner la trompette,
Je chanterais en style harmonieux
Ce Galizin, du Turc victorieux.
Mais je n'ai pas l'impudente arrogance
De moduler sur mon aigre sifflet
Le beau récit d'un aussi noble fait;
Le ridicule est de ma compétence,
En ses vieux jours ma muse s'y complaît.
En notre Europe, en grande diligence
Tout se redit, tout s'ébruite et se sait.
Ceux qui, portés pour les succès du Russe,
Le préféraient au peuple sans prépuce
Applaudissaient à ce qu'aux champs de Mars
Les ennemis, les destructeurs des arts
Eussent reçu à Chotzim leur salaire.a
Ceux dont le vœu au Russe était contraire,
Tout consternés, croyaient dorénavant
Qu'on manquerait d'un égal équilibre
Pour maintenir indépendant et libre
Ce Mustapha, potentat d'Orient,
Et qu'il serait dangereux et terrible
Que le Russien aux spahis invincible,
Accompagné de tout son attirail,
Allât chasser Mustapha du sérail,
Et lui ravir son bataillon de belles
Aux yeux fendus, aux bouches de corail,
De ses langueurs compagnes trop fidèles.


a Le 18 septembre 1769.