<291> jours; ils se croient supérieurs à tout ce que l'antiquité a produit en ce genre. A l'effronterie des cyniques ils joignent la noble impudence de débiter tous les paradoxes qui leur tombent dans l'esprit. Ils se targuent de géométrie, et soutiennent que ceux qui n'ont pas étudié cette science ont l'esprit faux, que par conséquent ils ont seuls le don de bien raisonner. Leurs discours les plus communs sont farcis de termes scientifiques. Ils diront, par exemple, que telles lois sont sagement établies en raison inverse du carré des distances; que telle puissance, prête à former une alliance avec une autre, se sent attirer à elle par l'effet de l'attraction, et que bientôt les deux nations seront assimilées. Si on leur propose une promenade, c'est le problème d'une courbe à résoudre. S'ils ont une colique néphrétique, ils s'en guérissent par les règles de l'hydrostatique. Si une puce les a mordus, ce sont des infiniment petits du premier ordre qui les incommodent. S'ils font une chute, c'est pour avoir perdu le centre de gravité. Si quelque folliculaire a l'audace de les attaquer, ils le noient dans un déluge d'encre et d'injures; ce crime de lèse-philosophie est irrémissible.

Eugène.

Mais quel rapport ont ces fous avec notre nom, avec le jugement qu'on porte de nous?

Lichtenstein.

Beaucoup plus que vous ne croyez, parce qu'ils dénigrent toutes les sciences, hors celle de leurs calculs. Les poésies sont des frivolités dont il faut exclure les fables; un poëte ne doit rimer avec énergie que les équations algébriques.a Pour l'histoire, ils veulent qu'on l'étudie à rebours, à commencer de nos temps pour remonter avant le déluge. Les gouvernements, ils les réforment tous; la France doit devenir un État républicain dont un géomètre sera le législateur, et que des géomètres gouverneront en soumettant toutes les opérations


a Voyez les Réflexions sur les réflexions des géomètres, t. IX, p. 71 et suiv.