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Le Roi.

Ah! si la mort vient de me tout ôter,
Faut-il encore en ces lieux m'insulter?

Minos.

La vérité, Louis, n'est point d'insulte.
Trop haut jadis sur un trône placé,
De vils flatteurs recevant le vain culte,
Tu fus par eux lâchement encensé.
Mais ici-bas, dans les champs Élysées,
Les vérités ne sont point déguisées;
On n'y connaît courtisan ni flatteur,
Et l'on y dit que tes postiches reines
Ont avec toi partagé ta grandeur,
Par leurs avis que tu fis des fredaines
Dont ton État ressentit le malheur.
C'était mal fait; mais ton âme fut bonne;
Voilà, Louis, pourquoi l'on te pardonne.
Nous distinguons, amis de l'équité,
Le bien du mal; faiblesse n'est pas crime.
Tu semblais né pour la société;a
Aussi ton nom ne sera point cité
Comme celui d'un monarque sublime.
Tu pourras donc, sans craindre ou redouter,
Dans ces bosquets tranquillement errer;
Et si souvent tu bâillais dans le monde,
Tu peux, mon fils, sur les bords de cette onde
Bâiller encore ou d'amour soupirer.
Il dit, et part, finissant l'audience.


a Ce vers et les précédents rappellent le portrait que Voltaire trace du Régent dans l'Épître à madame la marquise du Châtelet, Sur la Calomnie. 1733.