<314>Louis répond sans marquer d'embarras,
Comme aurait pu haranguer Démosthène.
Nos deux grands rois bras dessus, bras dessous,
Très-tendrement tous les deux s'embrassèrent,
Fraternité de bon cœur se jurèrent;
Car tous les deux avaient les mêmes goûts,
Et, quoique morts, étaient amoureux fous.
Pour profiter du temps de la visite,
Le Français dit au Jérusalémite :
Ah! montrez-moi, grand roi, votre sérail;
Je voudrais fort le connaître en détail.
- Nenni, nenni, répond l'Israélite.
Mon bon papa fut jadis fait cocu
Par son cher fils Absalon le pendu;a
Je ne veux point perpétuer ses cornes
En admettant un roi nouveau venu
Dans mon sérail, sans imposer des bornes
Aux vifs transports d'un amour éperdu.
- Mais, dit Louis, mon amour fait carême.
Depuis trois mois mort, enterré, tout blême,
Taxerait-on mon ombre dans ces lieux
D'être un objet aux jaloux dangereux?
- Tant pis, répond le juif, qui s'inquiète;
On a plus faim quand on a fait diète.
Vos Français ont je ne sais quel jargon
Pour captiver les femmes et les filles,
Peu connu dans Salemb et Beth-Horon,c
Qui plaît au sexe et trouble les familles.


a II Samuel, chap. 16, v. 22.

b Salem, depuis, Jérusalem, résidence de Melchisédec; Genèse, chap. 14, v. 18.

c Josué, chap. 10, v. 10; I Samuel, chap. 13, v. 18; I Chroniques, chap. 7, v. 68.