<32>Je connus, j'admirai Voltaire.
J'aurais pour le chercher quitté mon méridien;
Sous un ciel fortuné, sous un autre hémisphère,
Séjour chéri de Dieu, respecté sur la terre,
Mon esprit aurait joint le sien;
Dans son aimable solitude,
Se partageant entre l'étude
Et les devoirs de l'amitié,
Minerve aurait su m'introduire,
Et Pallas m'en aurait enseigné le sentier.
De vous et de l'amour j'eusse adoré l'empire;
Aux mystères que Locke et que Newton inspirent,
Du grand Voltaire apprécié,
Votre divinité m'aurait initié.
Mais, hélas! charmante Émilie,
Cet être que j'ignore et qui réside en moi,
Cet être qui m'anime et me donne la loi,
Immortel en théologie,
Incertain en philosophie,
Ce fantôme spirituel,
Ce je ne sais quel sens, cet intellectuel,
De notre sot orgueil séduisante chimère,
Cet esprit inconnu, subtil et délié,
Sous l'attirail de la matière,
Ne se meut, ne voyage guère,
Tant les sens le tiennent lié.
Ah! si pour un moment le dieu qui me protége
M'eût daigné revêtir de la divinité,
Prenant Leibniz dans mon cortége,
Sur les ailes des vents, avec agilité,
Vers les champs de Cirey, par un effort rapide,