<380>BILVESÉE.

Ce ne serait pas tant mal, ma mie. (Il approche de madame Argan et lui dit d'un ton précieux.) Je bénis le jour, ce jour que j'ai tant souhaité, ce jour qui s'est si fort fait attendre, le plus beau jour de ma vie, ô rare et gentille merveille! où j'ai le bonheur de voir en personne ce bel astre dont la renommée a répandu l'éclat des charmes dans toute notre université. Oui, mademoiselle, vos divins attraits font tant de bruit, qu'on ne sait si l'on doit vous comparer à la belle Hélène, à Rosemonde, ou à la belle Maguelonne. Banisea n'était pas digne de vous délier les souliers, et le prince Scandor,a en vous voyant, aurait fait une infidélité à sa princesse.

(Mondor fait de terribles éclats de rire.)

BILVESÉE, continue.

C'est apparemment votre bouffon, mademoiselle, que ce rieur?

MADAME ARGAN.

Monsieur, vous vous trompez.

BILVESÉE.

Oui, ma princesse, si ce rieur ne m'eût interrompu, mon compliment aurait été plus long. Vous y perdez beaucoup.

MADAME ARGAN.

Monsieur ....

BILVESÉE.

J'ai passé pour le plus galant de toute l'université. (Mondor rit encore.)


a Banise et Scandor sont les principaux personnages du roman allemand Die Asiatische Banise, par Henri-Anselme de Zigler et Kliphausen. Leipzig, 1688. Voyez la lettre du baron de Grimm au Roi, du 29 juin 1781.