<98>L'aurore la précède, et le grand jour la suit.
Sur l'univers entier domine la science,
Dieux, hommes, animaux sont mis sur sa balance;
La nature est son livre, et dans l'immensité
Elle s'embarque, et suit l'auguste vérité.
Sur ce vaste océan, pleine de prévoyance,
Elle tient son compas; la sûre expérience,
La sage analogie, utile à ses desseins,
Lui sert de gouvernail; dirigé par ses mains,
Et jusqu'aux cieux des cieux porté par Uranie,
Où règne l'infini l'élève son génie.
Des mains du Créateur ravissant les secrets,
Elle a pu démontrer ses éternels décrets.
Sur ces sujets profonds c'est à moi de me taire;
Trois peuvent en parler, Dieu, Newton, ou Voltaire.
Nous sommes nés ici pour agir et penser;
Si tu veux bien agir, apprends à méditer.
Un siècle entier n'est rien; beaucoup penser, c'est vivre;
Végéter est un rêve, un songe d'un homme ivre.a
Tel, par ses passions indignement vaincu,
S'imagine de vivre, et n'a jamais vécu.
Quelque brillant que soit le feu de la jeunesse,
Songe dès à présent au poids de la vieillesse,
A l'âge à pas tardifs, qui marque sur nos fronts,
De son doigt destructeur, nos nombreuses saisons,
Et qui glace à la fois et les ris, et les grâces,
Compagnons du bel âge, esclaves de tes traces,
Au temps qui ralentit notre vivacité,
Qui, fanant les plaisirs, flétrit la volupté.
A ces charmes perdus apporte un prompt remède;


a L'Auteur répète et varie souvent cette pensée; p. e. t. X, p. 78.