<20> des soins inquiets les troublassent; ils jouissaient du présent, et ne s'embarrassaient point de l'avenir. Puissante et profonde leçon, qui découvre ces grandes vérités aux hommes, que, la plupart des actions étant mauvaises, il vaut mieux n'en point faire du tout! Et puisque, par une fatalité inévitable, tout mortel est destiné au trépas, la sagesse veut qu'on s'y achemine le plus doucement que possible, sans fatiguer inutilement son corps et son esprit à poursuivre des possessions ou des honneurs auxquels tôt ou tard il faut renoncer.

Heureuse et sage paresse, qui concilies les opinions des dévots et des philosophes, que tes dispositions sont saintes pour le salut, que tes influences sont bénignes pour adoucir les amertumes de la vie! Tu nous apprends à préférer la ouate molle et le duvet de nos couches aux fatigues et aux travaux de ces forcenés amants de la gloire; tu nous écartes de la vie tumultueuse des ambitieux et de l'inquiétude que des projets frivoles causent aux politiques; tu sauves à nos oreilles délicates les cris que la voix rauque de la chicane jette au barreau, tu détestes les procès et les plaideurs; tu nous garantis de ces occupations où l'homme, toujours hors de lui-même, n'existe que pour le bonheur de ses concitoyens, comme si nous vivions pour la société et non pas pour nous-mêmes; tu détestes l'arithmétique, tu déchires les comptes de finance entre nos mains, tu hais les soins importuns qu'on se donne pour acquérir les richesses, tu te plais à les laisser dissiper lorsqu'il y en a d'amassées. Jamais ta fainéantise ne se joignit à l'esprit de friponnerie; jamais fermier général, jamais joueur de profession, jamais de Mandrina ne fut paresseux.

Le plus sage des rois a dit que tout était vanité. Pourquoi donc s'occuper de choses vaines? Et si la vie des hommes ne se passe qu'à élever et à détruire, pourquoi s'amuser à ce jeu d'enfants frivoles? Il vaut mieux ne rien faire que faire des riens. Abandonnons le monde à l'enchaînement nécessaire des causes, laissons agir la fatalité, sup-


a Voyez t. IV, p. 34; t. IX, p. 175; et t. XIV, p. 253.