<388> ne rappelle dans mon esprit l'idée de ce séjour fortuné, l'unique objet de mes désirs, et qui me semble, dans la jouissance idéale que j'éprouve souvent du tranquille bonheur dont il est l'asile, être le centre de tous les plaisirs et de tous les sentiments agréables dont mon cœur est susceptible. Vous reconnaîtrez, monseigneur, à cette peinture l'effet de la liaison des idées et des sensations dont parle notre maître en philosophie.

J'ai encore inséré dans le paquet une petite pièce en vers assez jolie. Ne sachant en faire moi-même pour vous payer, monseigneur, de ceux dont il vous plaît de m'honorer, je me vois réduit à avoir recours à ceux d'autrui. Mais je ne vous tromperai pas, au moins, en les faisant passer pour miens, comme autrefois le poëte latin trompa l'Auguste de son temps. Je devrais sans doute, à cette occasion, faire l'éloge de la belle ode que m'a envoyée V. A. R., et que je ne me lasse point de relire; mais, pour complaire à votre modestie, je me contenterai de dire qu'elle m'a touché jusqu'au fond du cœur, autant parce qu'elle est belle et touchante que parce qu'elle est votre ouvrage. Vos folies, monseigneur, comme il vous plaît de les nommer, feraient honneur même au plus sage des hommes. Et si vous savez faire un si digne et si noble usage de votre loisir, quelles merveilles ne doit pas attendre l'univers de l'accomplissement de vos devoirs! quelle félicité ne sera pas le partage du peuple fortuné qui vous adore déjà, et qui va devenir l'un des plus florissants sous l'ombre de l'auguste trône auquel le ciel vous appelle, et pour lequel il semble vous avoir formé en vous douant de toutes les vertus qui font un grand monarque, un roi selon le cœur de Dieu, un père adoré de ses peuples!

Mais, de grâce, pardon; je m'oublie malgré moi. Daignez excuser cette effusion involontaire d'un cœur qui n'a plus de sentiments que pour vous et de vie que par vous.