<62> Ainsi jugez si je suis du bois dont on fait les bons maris. J'enrage de le devenir, mais je fais de nécessité vertu. Je tiendrai ma parole, je me marierai; mais après, voilà qui est fait, et bonjour, madame, et bon chemin. Je vous demande bien pardon, mon cher général, de vous incommoder de ces sortes de nouvelles, qui ne sont point agréables, ni pour ceux qui les reçoivent, ni pour ceux qui les apprennent. Toujours vous comprendrez que cette manière d'agir ne fait que du mauvais sang, et que plus que l'on s'imagine de contrainte, plus que l'on prend d'aversion pour la chose vers laquelle l'on vous contraint. Enfin, je finis de vous ennuyer, mon cher général, vous priant d'être bien persuadé que je suis bien sincèrement et cordialement, etc.

15. AU MÊME.

Ruppin, 11 septembre 1732.



Mon très-cher général,

Vous m'avez fait une peur terrible, mon cher général, en m'envoyant les Ca....., et je serais resté dans un silence éternel, si la lettre que je viens de recevoir ne m'avait rassuré. Nous sommes ici dans une paix profonde, et je souhaiterais de n'être toute ma vie ni plus heureux, ni moins; je me contenterais volontiers de mon sort, pourvu que la paix l'accompagne, et que je puisse jouir de ma vie en tranquillité et sans inquiétude. Que je n'estimerais pas les sottises dans lesquelles le inonde fait consister sa vanité! et quel tort n'a-t-on pas de ne se point contenter d'un juste milieu qui est, à mon avis, l'état le plus heureux! Car le trop de grandeur est à charge et fatigue infiniment, et l'indigence rabaisse trop une certaine noblesse qui se trouve ordinairement pour base de nos caractères. Mais je m'estime heureux