8. A MADAME DE WREECH.

Cüstrin, 10 février 1732.



Madame ma très-chère cousine,

Je serais bien ingrat, si je ne vous témoignais ma reconnaissance de la peine que vous avez prise de venir à Tamsel, et je devrais bien vous remercier encore pour les charmants vers que vous avez eu la bonté de me faire. J'aurais cru faire un péché, si, me dérobant un moment de votre aimable entretien, je l'eusse employé à lire vos vers. Hier au soir, solitaire, j'eus le plaisir de les admirer à mon aise et sans être empêché de rien au monde. M'en voilà, madame, aux re<20>dites, car tout ce que vous faîtes oblige à admirer tant votre esprit que votre politesse. Je coupe court sur cette matière; il me semble déjà que vous rougissez, et pour épargner votre modestie, je change de matière, et pour vous donner encore une preuve de mon obéissance aveugle, je vous envoie ce que vous m'avez demandé. J'espère que cela servira au moins à vous faire quelquefois souvenir de moi, et que vous direz : C'était un assez bon garçon, mais il me lassait, car il m'aimait trop, et me faisait souvent enrager avec son amour incommode. Que je serais heureux, madame, si vous me connaissiez autant, et si, persuadée de la constance éternelle de mes sentiments, vous me faites toujours la justice de me croire, avec une estime sincère et avec beaucoup de passion,

Votre parfaitement fidèle ami, cousin et serviteur.
Frideric.

SONNET.

Ce portrait, ma cousine, est mon ambassadeur,
Et ce sonnet lui sert de timide interprète;
Car il devrait te dire, ainsi qu'à mon vainqueur,
Que je suis un de ceux dont tu fis la conquête,

Que tes charmes divins m'ont enlevé le cœur.
Que serait-ce pourtant, quelle joie, quelle fête,
Si, comme ma copie, j'eus le parfait bonheur ....
Mais halte-là, ma plume, il faut que je t'arrête.

Si tu en disais trop, sans voir ton créditif,
Tu serais renvoyé errant et fugitif.
Laisse donc deviner ce que tu n'oses dire,

Et garde-toi surtout de ne parler d'amour,
De dire que tu aimes et aimeras toujours;
Mais, puisqu'il faut mourir, meurs, celant ton martyre.

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LETTRES ÉCRITES PAR FRÉDÉRIC A MADAME DE WREECH PENDANT LA GUERRE DE SEPT ANS.