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135. AU MÊME.

Camp de Zleby, 20 mai 1742.

Federicus Jordano, salut. Sans doute que vous aurez déjà reçu la lettre où je vous ai appris notre victoire. Aujourd'hui j'ai la satisfaction de vous apprendre qu'elle n'a pas été fort sanglante pour nos troupes, ce qui me la rend d'autant plus agréable, et permet que l'on s'en réjouisse de tout son cœur. Nos avantages sont complets, et la déroute de l'ennemi, que nous avons poursuivi deux jours, est si terrible, la consternation, la douleur et l'abattement si universels, que rien n'en approche.

Personne n'est mort de notre connaissance. Le cher Rottembourg, qui est blessé, en reviendra, et l'on compte tout au plus que nos morts montent à mille ou douze cents hommes; la perte de l'ennemi est taxée entre six et sept mille hommes. La relation qui paraîtra de ce qui a précédé et suivi la bataille est dressée par moi-même,a et elle est conforme à la plus sévère vérité.

Je crois que la paix nous viendra dans peu, et que je reviendrai à Berlin plus tôt que vous n'avez osé l'espérer.

Dites à Knobelsdorff qu'il m'arrange mon cher Charlottenbourg, qu'il finisse ma maison d'opéra; et pour vous, faites provision d'une humeur gaie et contente.

Adieu, cher Jordan; tu vois que je ne t'oublie pas, puisque j'ai songé à toi le moment d'après la victoire. Vale.

Mes compliments à Césarion; dites-lui que nos cavaliers ont été autant de Césars.


a Voyez t. II, p. 161-169.