<311>Vous, à qui un naturel heureux épargnerait ce soin, vous l'avez pris indépendamment de ce motif. Les sciences, ainsi que les vertus, vous ont plu par elles-mêmes; vous n'avez eu d'autre but, en les cultivant, que de suivre les impulsions de votre heureux génie. N'oubliez pas, dans vos moments de loisir, que vous avez un élève reconnaissant. Souvenez-vous quelquefois de moi, et ne me privez jamais de l'amitié que vous m'avez vouée si saintement.

Je suis avec tous les sentiments d'estime et de reconnaissance,



Mon cher Duhan,

Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.

10. AU MÊME.

Ruppin, 12 mai 1738.



Mon cher Duhan,

Vos lettres me font toutes un plaisir sensible. Elles me donnent des nouvelles d'un ami que j'aime, et elles me réitèrent les assurances de sa tendresse et de sa constance. Je voudrais cependant beaucoup ne plus recevoir de ces lettres, et entendre proférer de la bouche de leur auteur tout ce que m'expriment leurs caractères muets.

Je m'aperçois très-souvent, mon cher Duhan, qu'il y a plus de huit années que je ne vous ai vu. Ce temps m'a paru bien long par rapport à votre absence, et bien court par rapport à sa rapidité. Vous aurez greffé un jeune arbrisseau, vous aurez émondé ses branches, et, après avoir pris le soin de sa culture, vous ne jouirez pas seulement de ses premiers fruits. Par bonheur, vous n'y perdez pas grand' chose; il n'y a que la seule amitié qui puisse en souffrir.