<328>Philosophez à présent à votre aise, et n'appréhendez rien, car nos affaires sont, Dieu merci, en assez bon état. Je me flatte d'avoir sauvé ma patrie du plus cruel de tous les malheurs, et d'avoir protégé tant de braves sujets que j'ai, contre le fer et la flamme de Furies animées à perdre l'État et moi.

Si j'apprends de bonnes nouvelles du prince d'Anhalt, je serai bientôt à Berlin, et nous pourrons philosopher tranquillement et sans les mortelles inquiétudes où je me suis trouvé jusqu'à présent.

Adieu, cher ami; ne m'oubliez point, et aimez-moi un peu.

Federic.

26. DE M. DUHAN.

Le 30 novembre 1745.



Sire,

Les habitants de Berlin ont d'abord et machinalement eu peur à la vue des calamités auxquelles la guerre pouvait les exposer. Depuis cela, la considération des victoires précédentes et de toute la conduite de V. M. leur a raffermi le courage, et enfin les nouveaux succès de vos armesa ont achevé de tranquilliser les esprits. Pour moi, Sire, après avoir béni Dieu de ses faveurs, j'ai admiré le bon sens avec lequel V. M. conçoit ses desseins, et l'intrépidité avec laquelle elle les exécute. J'ai réfléchi ensuite sur ce qu'on appellera gloire, sur le cas que l'on doit faire de l'estime des humains, sur la fermeté d'âme et sur la constance. J'ai même recherché si ces dernières vertus ont jamais d'autre fondement qu'une exacte probité, et je prendrais la liberté de rapporter quelques-unes de mes idées, si V. M. n'était pas


a Allusion à la victoire de Hennersdorf, remportée le 23 novembre. Voyez t. III, p. 172 et 173.