<42>blication d'un ouvrage qui doit être si utile au genre humain avec le même zèle que j'ai l'honneur d'être, etc.

20. A LA MARQUISE DU CHATELET.

Remusberg, 19 mai 1740.



Madame,

On ne saurait lire sans étonnement l'ouvrage d'un profond métaphysicien allemand traduit et refondu par une aimable dame française. Vous démentez si fort les défauts de votre nation, que je crois que je puis vous disputer avec quelque fondement à la France votre patrie; et si vous ne faites pas l'honneur aux Germains d'être Allemande tout à fait, du moins vous doit-on compter parmi ces intelligences supérieures que produisent toutes les nations, qui font un corps ensemble, et qu'on peut nommer des citoyens de l'univers. La France n'a produit jusqu'à nos jours que des femmes d'esprit ou des pédantes. Les Rambouillet,a les Deshoulières,b les Sévigné ont brillé par la beauté de leur génie et la finesse de leurs pensées; les Dacier étaient savantes, mais rien de plus. Vous nous faites voir un phénomène bien plus extraordinaire, et l'on peut dire, sans blesser votre modestie, que les sciences que vous possédez, et votre façon de penser et de vous exprimer, sont autant supérieures à celles de ces dames


a Catherine, fille de Jean de Vivonne, marquis de Pisani. habile diplomate français, était née à Rome vers 1588. Elle se rendit en France avec son père, et y épousa le marquis de Rambouillet. Sa maison ne tarda pas à devenir le rendez-vous des beaux esprits et des femmes les plus aimables du temps. La marquise de Rambouillet mourut à Paris en 1665.

b Le Roi publia plus tard un Choir des meilleures pièces de madame Deshoulières et de l'abbé de Chaulieu. A Berlin, chez G.-J. Decker, imprimeur du Roi. MDCCLXXVII, cent quatre-vingt-huit pages in-8. Voyez t. X, p. 109.