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29. A M. JORDAN.

Neumarkt, 30 décembre 1740.

Vive Jordan et sa belle humeur! Tu n'engendrais pas le spleen, mon ami, lorsque tu m'écrivis ta dernière lettre. Pour nous autres, qui sommes ici par voie et par chemin, nous nous flattons avec raison d'être dans peu au bout de notre carrière, et d'avoir fait un petit exploit qui méritera quelque considération. Les bons coups vont se faire, et je me flatte que dans huit jours je pourrai t'écrire quelque chose de plus substantiel que les billevesées dont je t'ai entretenu jusqu'à présent. Nous sommes aux portes de Breslau; Glogau doit se rendre dans peu. La ville est aux abois, et d'ailleurs nos affaires commencent à prendre le train qu'elles devaient naturellement prendre.

Adieu. Divertis-toi bien, et étudie auprès de ton bon fourneau, tandis que nous nous battrons à travers la boue ou dans la neige. N'oublie pas, je t'en conjure, ton admirateur, qui crèvera un de ces jours de l'estime qu'il a pour toi.

30. DE M. JORDAN.

Berlin, 31 décembre 1740.



Sire,

Berlin est rempli de la prise de Glogau; les gazettes en parlent; on circonstancie ce fait jusqu'au point de dire que le siége en a duré quatre heures, et que chaque heure a coûté cent hommes qui y ont perdu la vie. Mon barbier, d'un air empressé, me vint annoncer cette nouvelle; le mot de Glogau lui échappe, il se le rappelle ensuite,