<102> Virgile lu. Pour moi, je dois être ignoré. Il en est de mes ouvrages comme de la musique des dilettanti. On doit se rendre justice, et ne pas sortir de sa sphère. Je connais la mienne, qui est assez étroite, et je me ressouviens de la Sallé, qui, après avoir plu à Londres, fut sifflée depuis qu'elle s'avisa de danser habillée en homme. Je souhaite que l'Italie vous ennuie au point de vous la faire quitter bientôt. Vous voyez que les médecins de Padoue ont le sort de tous les autres de l'Europe. Si vos opéras sont mauvais, vous en trouverez ici un nouveau qui peut-être ne les surpassera pas. C'est Montézuma. J'ai choisi ce sujet, et je l'accommode à présent. Vous sentez bien que j'intéresserai pour Montézuma, que Cortès sera le tyran, et que par conséquent on pourra lâcher, en musique même, quelque lardon contre la barbarie de la R. Cr. Mais j'oublie que vous êtes dans un pays d'inquisition; je vous en fais mes excuses, et j'espère de vous revoir bientôt dans un pays hérétique où l'opéra même peut servir à réformer les mœurs et à détruire les superstitions.

87. DU COMTE ALGAROTTI.

Padoue, 12 novembre 1753.



Sire,

La lettre dont Votre Majesté m'a honoré dernièrement m'a encore trouvé à Padoue, sur le point de faire un petit voyage pour essayer mes forces. J'ai été à Vicence, où j'ai vu ce que j'espère bientôt revoir à Potsdam. Mais à peine ai-je donné un coup d'œil à Palladio, qu'il m'a fallu garder la chambre pendant deux jours. Le peu de nourriture qu'il me faut prendre me rend extrêmement sensible à toute sorte d'intempérie d'air. Je n'écoute pas les médecins, Sire, surtout