<136> sanglantes tragédies où il plaît à nos ennemis d'en fournir le théâtre. Je vous suis très-obligé de la boutargue que vous m'avez envoyée; elle a été mangée par les troupes des cercles, peut-être par celles de Mayence, que l'Arioste avait prises en aversion. Cette campagne vient d'abîmer la Saxe. J'avais ménagé ce beau pays autant que la fortune me l'avait permis; mais à présent la désolation est partout, et, sans parler du mal moral que cette guerre pourra faire, le mal physique ne sera pas moindre, et nous l'échapperons belle, si la peste ne s'ensuit pas. Misérables fous que nous sommes, qui n'avons qu'un moment à vivre, nous nous rendons ce moment le plus dur que nous pouvons, nous nous plaisons à détruire des chefs-d'œuvre de l'industrie et du temps, et de laisser une mémoire odieuse de nos ravages et des calamités qu'ils ont causées! Vous vivez à présent tranquillement dans une terre qui a été longtemps le théâtre de pareils désastres, et qui le redeviendra avec le temps; jouissez de ce repos, et n'oubliez pas ceux contre qui votre pape a publié une espèce de croisade, et qui sont dans les convulsions de l'inquiétude et dans les illustres embarras des grandes affaires. Sur quoi je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde.

125. DU COMTE ALGAROTTI.

Bologne, 9 septembre 1760.



Sire,

Tandis que chacun, Sire, s'arrache des mains vos poésies, et vous admire dans son cabinet, il admire encore davantage V. M. lorsque, en sortant de chez lui, il apprend vos marches admirables et la mé-