<198>

10. A LA MÊME.

Freyberg, 18 (décembre 1759).



Madame,

Vous me gâtez si fort par votre indulgence, vous m'accoutumez si bien à vous avoir des obligations, que je me reproche cent fois d'en pouvoir abuser. Je ne continuerais certainement pas à vous adresser des lettres, si je n'avais espérance que ce commerce pourra être de quelque utilité à l'Angleterre et à l'Europe même, car sans doute la paix est l'état le plus désirable, le plus naturel et le plus heureux pour toutes les nations. C'est pour l'accélérer, madame, que j'abuse de vos bontés, et ce motif m'excuse vis-à-vis de moi-même l'incongruité de mes procédés. Vous faites très-bien, madame, de ne point signer et de ne point apposer vos armes sur des lettres qui, si elles étaient interceptées, vous causeraient quelque sorte de désagréments. La bonté que vous avez de vous intéresser à ma situation m'oblige de vous en rendre compte. Nous avons essuyé ici toute sorte de malheurs,a au moment où nous devions le moins nous y attendre. Cependant il nous reste du courage et de l'espérance; voilà des secours sur le point d'arriver, et il y a lieu de croire que la fin de notre campagne sera moins affreuse qu'on n'avait lieu de s'y attendre il y a trois semaines. Puissiez-vous jouir, madame, de tout le bonheur que je vous souhaite! Puisse tout le monde connaître vos vertus, les imiter, et vous admirer comme je le fais! Puissiez-vous être persuadée que rien n'égale les sentiments de la haute estime que je conserverai toute ma vie pour vous, étant,



Madame ma cousine,

de Votre Altesse
le fidèle cousin et serviteur,
Federic.


a Frédéric fait principalement allusion ici à l'affaire de Maxen. Voyez t. V, p. 31-33.