<45>Et vous, parfums de l'Arabie,
Et vous, nectar de la Hongrie,
Prodiguez-moi tous deux vos goûts délicieux;
Vous, ravissante mélodie,
Dont les effets miraculeux
Des organes au cœur font sentir leur magie,
La flatteuse douceur d'une mélancolie,
Ou les accès plus vifs de sentiments joyeux
Où l'âme, en soi-même tranquille,
Se dégageant du soin futile,
Sait goûter cette extase et ces moments heureux
Dont jouit le peuple des cieux;
Venez, troupe des arts, troupe à jamais utile,
Établissez chez moi votre immortel asile.

29. DU COMTE ALGAROTTI.

Dresde, 2 mai 1742.



Sire,

Toutes les lettres dont Votre Majesté m'honore sont assurément dignes du cèdre; mais je voudrais, Sire, que la dernière fût écrite sur du linge incombustible, afin que, dans la suite des siècles, victorieuse même du feu, elle pût être à jamais un monument des bontés dont V. M. daigne m'honorer. La postérité y verrait les trésors de son esprit ouverts plus que jamais dans les beaux vers dont elle est enrichie; elle y admirerait les grands projets dont son âme est remplie; et elle m'envierait des badinages et des expressions de la part d'un roi qui fera ses délices et son admiration, des expressions, dis-je, qu'on n'est accoutumé d'entendre que dans la bouche de celles dont