<81> où le roi, le législateur, le conquérant, disparaissent pour faire place au poëte et au bel esprit, qui seuls, dans ces moments-là, absorbaient notre admiration. Elle augmente à l'infini quand les idées de tout ce qu'est V. M. se présentent en foule à notre imagination animée. C'est bien de votre âme, Sire, que l'on doit dire : divinae particulam aurae.a

57. AU COMTE ALGAROTTI.

(Potsdam) 25 novembre 1749.

Il y a entre nous ce commerce qu'Hésiode dit qu'il y a entre la terre et le ciel. Je vous donne quelques vapeurs, et vous me rendez une rosée abondante. Je ne travaille qu'à des misères, et vous avez la complaisance pour mes ouvrages qu'ont les cardinaux courtisans pour les mandements de notre bon pape. Je vous remercie des graines de brocoli; c'était le seul moyen d'en manger de bons. Vous en aurez les prémices. Mais je serai plus aise encore de voir la nouvelle édition de votre Newtonianisme, surtout si vous vous donnez la peine de vous traduire. J'ai une ébullition de sang, mêlée avec de petits accès de fièvre qui dérangent mon genre de vie. On ne travaille pas facilement lorsqu'on se sent presque continuellement échauffé.

Je serai lundi à Berlin, où j'admirerai les scappate de l'Astrua et les cabrioles de la Denis. Je vous ai envoyé une nouvelle besogne pour Villati. Cela n'occupera que la centième de vos âmes, et fournira un beau spectacle au public. Adieu; en vous remerciant de vos graines et de vos soins, j'espère de vous revoir lundi.

Federic.


a Horace, Satires, liv. II, sat. II, v. 79.